Licenciement pour agissements sexistes

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Publié le 17 juin. 2024
Des salarié-e-s nous rapportent régulièrement des faits de comportements à connotation sexuelle.
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Nous devons régulièrement intervenir à ce sujet auprès d'employeurs qui ne respectent pas leurs obligations de faire cesser de tels agissements. ( l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés au nom de son obligation de sécurité envers eux (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2))
Vous trouverez ci-dessous un arrêt du 12 juin 2024 de la cour de cassation qui apporte des précisions.
 

Des agissements sexistes justifient un licenciement pour faute peu important la tolérance passée de l’employeur

En 2015, la loi « dialogue social » a introduit la définition et l’interdiction des agissements sexistes dans le code du travail. Mais la Cour de cassation n’avait pas encore eu l’occasion de se prononcer sur le licenciement disciplinaire d’un salarié coupable des agissements ainsi définis. C’est désormais chose faite avec son arrêt du 12 juin 2024. Ces agissements sexistes justifient un licenciement pour faute, « quelle qu'ait pu être l'attitude antérieure de l'employeur tenu à une obligation de sécurité ».

Définition et interdiction des agissements sexistes

Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (c. trav. art. L. 1142-2-1).

C’est la loi 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi qui a introduit cet article dans le code du travail.

Si le code du travail interdit et définit ainsi les agissements sexistes, il reste silencieux sur la sanction disciplinaire de l’auteur de tels faits, contrairement aux dispositions relatives à l’auteur d’un harcèlement sexuel (c. trav. art. L. 1153-6).

Avant même que la notion d'agissements sexistes ne soit inscrite dans le code du travail, la Cour de cassation a toutefois considéré que des « propos calomnieux, abaissants et sexistes » tenus par un salarié à l’encontre d’une de ses collègues de travail étaient constitutifs d’une faute grave (cass. soc. 5 novembre 2014, n° 13-20166 D), de même que des « propos dégradants à caractère sexuel » (cass. soc. 27 mai 2020, n° 18-21877 FD). Des propos sexistes ont aussi pu justifier le licenciement pour faute d'un salarié protégé, en l’occurrence un représentant du personnel (CE 7 octobre 2022, n° 450492).

Pour la première fois, la Cour de cassation a l’occasion de se prononcer sur le licenciement disciplinaire d’un salarié coupable d’agissements sexistes tels que définis dans le code du travail (rapport du conseiller, p. 18).

Licenciement pour faute d’un salarié ayant tenu des propos à connotation sexuelle, insultants, humiliants et dégradants à l’encontre de deux salariées

Un salarié a été licencié pour faute simple pour avoir adopté à l'égard de plusieurs de ses collègues de sexe féminin un comportement inconvenant, notamment en ayant tenu des propos répétés à connotation sexuelle, sexistes, insultants, humiliants et dégradants à leur égard.

Ce salarié a saisi le conseil de prud’hommes pour faire juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et a obtenu gain de cause en appel.

L’employeur avait pourtant produit les témoignages des salariées ayant subi les propos du salarié. Il ressortait de deux témoignages que le salarié avait en effet tenu des propos à connotation sexuelle et insultants. Une des salariées avait aussi témoigné que : « un de mes collaborateurs qui avait été invité par [le salarié], me rapporte que celui-ci avait dit de moi que j'étais une partouzeuse, que j'avais une belle chatte et que j'aimais les femmes. Il a également parlé en des termes salaces de […] et de sa nouvelle relation masculine ».

D’autres témoignages établissaient que le salarié avait déjà tenu, par le passé, des propos similaires, à connotation sexuelle, insultants et dégradants, à l’encontre des mêmes salariées.

Mais cela ne suffisait pas pour les juges d’appel à justifier le licenciement disciplinaire. Ils ont considéré que le licenciement était une sanction disproportionnée car l’employeur n’avait jamais sanctionné le salarié pour des faits similaires, alors qu’il en avait eu connaissance, et n’avait d’abord envisagé qu’une mise à pied disciplinaire.

L’employeur porte alors l’affaire devant la Cour de cassation.

Des agissements sexistes justifient un licenciement disciplinaire quelle qu'ait pu être l'attitude antérieure de l'employeur

La Cour de cassation rappelle que le code du travail interdit les agissements sexistes (voir ci-avant ; c. trav. art. L. 1142-2-1).

Elle rappelle aussi que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés au nom de son obligation de sécurité envers eux (c. trav. art. L. 4121-1 et L. 4121-2). Elle en déduit que l’employeur a l’obligation de faire cesser les agissements sexistes.

Rappel : le code du travail impose à l’employeur de planifier la prévention des risques professionnels en y intégrant notamment les risques liés aux agissements sexistes (c. trav. art. L. 4121-2, 7°).

Enfin, la Cour de cassation souligne que le comportement du salarié qui « avait tenu envers deux de ses collègues, de manière répétée, des propos à connotation sexuelle, insultants et dégradants » était de nature à caractériser « un comportement fautif constitutif d'une cause réelle et sérieuse fondant » son licenciement.

Il n’y avait pas lieu de tenir compte de l'attitude antérieure de l'employeur, lequel est, répète-elle, tenu à une obligation de sécurité. En d’autres termes, « aucune tolérance ne peut faire obstacle à la sanction par la voie d’un licenciement » (rapport du conseiller, p. 24).

C’est donc à tort que les juges d’appel ont déclaré que le licenciement de l’auteur des agissements sexistes était sans cause réelle et sérieuse. L’affaire sera rejugée par une autre cour d’appel.

Il faut retenir de cette affaire que le salarié auteur d’agissements sexistes est nécessairement fautif et peut être licencié à ce titre, à tout le moins pour une faute simple. La gravité de ces faits n’est pas minorée par d’autres considérations qui leur seraient étrangères, comme l’attitude tolérante que l’employeur a pu avoir par le passé. Cela s’explique par le fait que « il ne s’agit plus seulement de sanctionner un comportement fautif mais de protéger ses victimes en y mettant un terme et en prévenant sa récidive (avis de l’avocate générale, pp. 5 et 6).

À noter : si la Cour de cassation laisse habituellement l’appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement aux juges du fond, elle apprécie tout de même la qualification de la faute reprochée au salarié. Ici, les juges d’appel avaient apparemment considéré que la faute du salarié était une faute légère ne justifiant pas un licenciement au regard de l’attitude de l’employeur. La Cour de cassation la requalifie en faute simple justifiant un licenciement disciplinaire, sans prendre en compte l’attitude de l’employeur.

Cass. soc. 12 juin 2024, n° 23-14292 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/66693a4d532c0d0008221b2d

 

 

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