Droit à la déconnexion des salarié-es

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Publié le 5 nov. 2024
Ce droit entre dans le champ des NAO (négociations annuelles obligatoires) et la compétence des représentants du personnel au CSE de l'entreprise.
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Article de la Revue Fiduciaire de Droit Social sur un rappel de la cour de cassation concernant le droit à la déconnexion des salarié-es en dehors de leur temps de travail.

L’employeur ne peut pas sanctionner un salarié qui n’est pas joignable sur son téléphone personnel en dehors de ses heures de travail

La Cour de cassation rappelle que le fait pour un salarié de ne pas pouvoir être joignable sur son téléphone portable personnel en dehors de ses horaires de travail n’est pas fautif et ne peut en aucun cas justifier une sanction disciplinaire. L’employeur ne peut pas invoquer pour sa défense une pratique d’entreprise destinée à faciliter l’organisation du travail, que le salarié aurait acceptée d’appliquer pendant plusieurs années.

Une pratique d’entreprise selon laquelle les salariés doivent prendre connaissance, le dernier jour de leur repos, de leur planning pour la reprise du travail

Dans cette affaire, un salarié employé en tant que chauffeur routier poids lourds s’était vu sanctionné par plusieurs avertissements au motif qu’il n’avait pas respecté la pratique mise en place dans la société pour faciliter l’organisation du travail, selon laquelle les chauffeurs en repos doivent, la veille de leur reprise, se renseigner sur leur planning du lendemain.

Concrètement, cela implique pour les salariés soit d’appeler leur responsable le jour précédant la reprise du travail pour connaître leur planning du lendemain, soit, à défaut d’appeler, de répondre aux appels et messages de leur responsable les informant de leur planning. Dans les deux cas, le salarié doit donc, avec son téléphone portable personnel, soit contacter son responsable ou son employeur, soit répondre à leurs appels et messages téléphoniques, alors qu’il se trouve sur son temps de repos.

À la suite de son licenciement pour faute grave, prononcé pour un tout autre motif, le salarié avait saisi la justice. Il contestait, outre son licenciement, les avertissements infligés par son employeur.

Le salarié qui s’était abstenu d’appeler ou de répondre à son employeur pour connaître son planning pouvait-il être sanctionné ?

À cette question, la cour d’appel répond par l’affirmative et valide les avertissements prononcés par l’employeur.

Elle retient que par le passé le salarié s'était « toujours conformé à la pratique suivant laquelle il lui revenait de se renseigner sur le travail pour le jour suivant à l'issue d'un repos ».

En outre, la cour d’appel estime que « le fait de devoir prendre contact avec l'employeur la veille d'une reprise de service concernant les missions à réaliser n'est pas proscrit par la convention collective applicable au transport routier et n'est pas anormal compte tenu du secteur d'activité, étant relevé, comme vu précédemment, que cette directive a toujours été donnée par l'employeur depuis l'embauche [du salarié] sans que ce dernier ne la remette en cause pendant des années ».

La Cour de cassation, saisie par le salarié, censure la décision de la cour d’appel.

Elle rappelle que « le fait de n’avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier une sanction disciplinaire ».

Par conséquent, la cour d’appel aurait dû annuler les avertissements, ainsi qu’il ressort de son office. Il revient en effet au juge d’« annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise » (c. trav. art. L. 1333-2).

Notons que cette solution a déjà été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu en 2004. Dans cette affaire, un ambulancier avait été, à tort, licencié pour faute grave pour avoir refusé de répondre à des appels téléphoniques répétés de son employeur, passés sur son téléphone portable personnel, alors qu’il se trouvait en dehors de ses horaires de travail. Pour justifier le licenciement, l’employeur avait vainement invoqué le fait qu’en refusant de répondre, le salarié avait pris le risque de négliger une urgence et de mettre en danger un patient. Un argument non recevable pour la Cour de cassation (cass. soc. 17 février 2004, n° 01-45889 D).

Vigilance des entreprises quant à la nécessité de respecter le droit à la déconnexion des salariés

Cet arrêt du 9 octobre 2024 est une utile piqûre de rappel, qui doit inviter les entreprises à être prudentes sur leurs pratiques et leurs organisations de travail.

Durant son temps de repos, le salarié a le droit de ne pas être contacté ou tenu de répondre à des sollicitations professionnelles, que ce soit par des appels téléphoniques, des messages ou des e-mails. Le salarié bénéficie d’un droit à la déconnexion lorsqu’il se trouve en dehors de son temps de travail.

On rappellera à ce sujet que pour les employeurs assujettis à la négociation obligatoire, le droit à la déconnexion doit être formellement formalisé soit dans l’accord collectif conclu, ou à défaut d’accord, dans une charte élaborée par l'employeur après avis du CSE (c. trav. art. L. 2242-17). Pour les employeurs non assujettis à la négociation obligatoire, le droit à la déconnexion n’a pas à être formellement formalisé dans un document, mais il doit être respecté. Des accords de branche étendus peuvent en outre prévoir les modalités de mise en œuvre du droit à la déconnexion dans les entreprises (pour un exemple, voir accord n° 44 du 18 septembre 2019 dans la branche du commerce de détail de l'horlogerie-bijouterie).

Cass. soc. 9 octobre 2024, n° 23-19063 D

 

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