Le salarié qui refuse un nouvel horaire en raison d’impératifs familiaux n’est pas fautif

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Publié le 6 juin. 2024
Un arrêt du 29 mai 2024 de la Cour de cassation qui rappelle qu’un salarié peut légitimement refuser un changement de ses conditions de travail qui porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie personnelle et familiale et est incompatible avec ses obligations familiales impérieuses.
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Des employeurs peu scrupuleux modifient les horaires de travail, non pas par nécessité d'organisation ou de production, mais uniquement pour déstabiliser les salariés, pour les pousser à la démission ou pouvoir les licencier sans indemnité ... un plan social sans frais qui doit être combattu collectivement avec le syndicat.

Un salarié refuse de passer d’un horaire de nuit à un horaire de jour pour continuer à s’occuper de son enfant handicapé

Un agent de sécurité travaillant de nuit a refusé trois affectations pour un service de jour en invoquant la nécessité d'une présence de jour auprès de son enfant handicapé.

Licencié pour faute grave, il a saisi les juges et obtenu que son licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse devant la cour d’appel.

En effet, le salarié avait bien justifié devant la cour d’appel d'un motif lié au respect de la vie personnelle et familiale nécessitant un maintien de ses horaires de nuit. Pour ce faire, il avait produit la notification du versement de l'allocation d'éducation spécialisée pour sa fille âgée de 7 ans et handicapée à 80 %. De plus, la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) avait reconnu la prise en charge par les parents d'au moins 20 % des activités de l'enfant par une adaptation des horaires de travail.

En revanche, l'employeur n’avait pas justifié devant les juges d’appel qu'il ne disposait pas d’un poste de nuit.

L’employeur a porté l’affaire devant la Cour de cassation. Selon lui, le passage à un horaire de jour était un simple changement des conditions de travail que le salarié ne pouvait pas refuser au regard de ses fonctions et de la convention collective applicable (entreprises de prévention et de sécurité). L’employeur estime aussi que le salarié ne pouvait pas lui opposer ses contraintes personnelles.

Le refus du salarié justifié par des obligations familiales impérieuses n’est pas fautif

La Cour de cassation donne tort à l’employeur et confirme ainsi sa jurisprudence.

Le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour portait en effet une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec ses obligations familiales impérieuses.

C’est donc à raison que la cour d'appel a décidé que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à verser les indemnités correspondantes.

Quand un salarié peut refuser un simple changement de ses horaires de travail

Cette affaire nous donne l’occasion de rappeler quelques fondamentaux en matière de modification du contrat de travail ou de changement des conditions de travail, en particulier s’agissant d’un nouvel horaire de travail.

Si un salarié peut légitimement refuser une modification du contrat de travail, en principe il ne peut pas refuser un simple changement de ses conditions de travail. Le refus par le salarié d’un tel changement justifie son licenciement disciplinaire.

Il est donc primordial de savoir ce qui relève de la modification du contrat de travail ou du changement des conditions de travail.

En matière d’horaires de travail, il s’agit en principe d’un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur.

Mais, dans certaines circonstances, il peut y avoir une modification du contrat de travail : aménagement important des horaires, pauses et jours de repos affectés, horaire de travail contractualisé, etc. C’est ce qui a par exemple été jugé pour un passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour (cass. soc. 18 juin 2002, n° 00-44134 D), à moins que cela ne soit prévu par le contrat de travail.

C’est également le cas si le changement d’horaire porte une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale, ou à son droit au repos, et est incompatible avec des obligations familiales impérieuses.

C’est au salarié qui se prévaut d’une telle atteinte de l’établir (cass. soc. 3 novembre 2011, n° 10-14702, BC V n° 246 ; cass. soc. 8 novembre 2011, n° 10-19339 D ; cass. soc. 10 décembre 2014, n° 13-13644 D).

Dans l’affaire qui nous intéresse, le salarié avait bel et bien apporté cette preuve. Il pouvait donc légitimement refuser le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour au regard de ses impératifs familiaux.

Dans ce type de situation, l’employeur a deux réponses possibles.

Soit il renonce à la modification et peut maintenir le salarié à un poste en horaires de nuit. D’ailleurs, les juges d’appel, approuvés par la Cour de cassation, ont reproché à l’employeur de pas avoir justifié qu'il ne disposait pas d’un poste de nuit. En d’autres termes, l’employeur aurait dû vérifier s’il pouvait maintenir le salarié à un poste avec des horaires de nuit.

Soit l’employeur licencie le salarié en motivant le licenciement par la cause à l’origine de la modification du contrat de travail, personnelle ou économique.

Cass. soc. 29 mai 2024, n° 22-21814 FB ; https://www.courdecassation.fr/decision/6656c53967f9f200081224ae

 

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