Droit des salariés au congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale
Pendant ces congés, rémunérés comme du temps de travail, l'employeur maintient le salaire du salarié. L'Union Départementale CGT du Finistère édite chaque année une offre de formation syndicale ouverte aux syndiqués (https://finistere.cgt.fr/calendrier-des-formations).
Bon nombre d'employeurs remettent en cause ce droit des salariés ou essaient de le restreindre.
Vous trouverez ci-dessous un article de la Revue Fiduciaire de Droit Social qui reprend un arrêt de la cour de cassation du 12/06/2024 à ce sujet.
Congé de formation économique et sociale : il est de 18 jours pour un salarié appelé à exercer des fonctions syndicales
Dans un arrêt publié du 12 juin 2024, la Cour de cassation apporte plusieurs précisions sur le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Elle indique que les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales peuvent bénéficier à ce titre de 18 jours de congé par an, ce qui devait être le cas en l’espèce pour un salarié élu au CSE et délégué syndical. Elle considère également qu’en refusant d’accorder ce nombre de jours de congé, l’employeur porte nécessairement préjudice au salarié et à l’intérêt collectif de la profession, ouvrant droit à réparation au salarié et au syndicat. En revanche, elle estime que le refus de l’employeur, résultant d’un désaccord sur la durée du congé, ne nécessitait pas un avis conforme du CSE.
Un employeur en désaccord avec un salarié élu au CSE et délégué syndical sur la durée d’un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale
Dans cette affaire, un salarié avait été élu suppléant au comité social et économique (CSE) le 29 janvier 2020 et désigné en tant que délégué syndical le 30 janvier 2020.
Le salarié avait demandé à son employeur, le 16 février 2022, un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, d’une durée de 13 jours pour le 17 juin 2022.
L’employeur avait refusé de faire droit à un congé de 13 jours en arguant que :
-par combinaison des articles L. 2145-1 et L. 2145-7 du code du travail, seuls les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales et ayant la qualité d'animateurs de stages et session peuvent bénéficier d’un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale d'une durée maximale de 18 jours par an ;
-dans les autres cas, ils n’ont droit qu’à une durée maximale de 12 jours de congé par an.
Le salarié avait saisi la justice et un syndicat s’était joint à l’instance.
Le salarié demandait la reconnaissance de son droit à 18 jours de congé par an et la condamnation de son employeur à lui verser des dommages intérêts. Le syndicat demandait la condamnation de l’employeur à lui verser des dommages intérêts pour violation de l’obligation de consulter le CSE sur le refus opposé au salarié, pour entrave à l'exercice du droit syndical et pour l’atteinte porté à l’intérêt collectif de la profession.
Rappelons, en effet, que les syndicats professionnels peuvent exercer devant toutes les juridictions tous les droits réservés à la partie civile, pour les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (c. trav. art. L. 2132-3).
Le conseil de prud’homme avait reconnu un droit à congé de formation de 18 jours par an maximum pour le salarié. En revanche, il avait jugé que le refus de congé n’était pas abusif et ne justifiait donc pas le versement de dommages et intérêts, ni au salarié ni au syndicat. Enfin, il avait considéré que la décision de refus de l’employeur n’exigeait pas d’avis conforme préalable du CSE.
La Cour de cassation confirme partiellement ce jugement.
Le salarié appelé à exercer des fonctions syndicales bénéficie d’un nombre maximal de 18 jours de congé
La Cour de cassation précise la lecture qui doit être faite des articles L. 2145-1 et L. 2145-7 du code du travail, censurant celle, restrictive, adoptée par l’employeur.
Selon le premier article, les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales bénéficient du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale et ce, pour une durée maximum de 18 jours par an par salarié (c. trav. art. L. 2145-1).
Selon le deuxième article, la durée du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale est de 12 jours maximum par an et par salarié ou de 18 jours pour les animateurs de stages et sessions (c. trav. art. L. 2145-7).
La Cour de cassation précise que l’article L. 2145-1 du code du travail est propre aux salariés appelés à exercer des fonctions syndicales, auxquels les dispositions de l’article L. 2145-7 ne sont pas applicables.
Il en résulte donc, qu’un salarié appelé à exercer des fonctions syndicales a droit à 18 jours de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, même s’il n’est pas animateur de stage ou de session de formation.
La Cour de cassation confirme l’analyse du conseil de prud'hommes, qui après avoir constaté que le salarié, en ses qualités d’élu suppléant au CSE et de délégué syndical d'établissement, exerçait des fonctions syndicales, en a déduit qu’il avait droit à un congé de 18 jours et a ordonné à l’employeur d'autoriser le congé de 13 jours du 17 juin 2022.
En cas de refus abusif de l’employeur, le salarié et le syndicat partie à l’instance ont droit à des dommages et intérêts
La Cour de cassation censure l’analyse des juges du fond qui avaient rejeté la demande de dommages et intérêts du salarié en considérant que le refus de l’employeur d’accorder les 13 jours de congé n’était pas abusif, car l’employeur avait agi sans mauvaise foi et que son refus procédait simplement d’une divergence d’interprétation des droits à congé du salarié.
Elle estime que n’ayant pas donné de suite favorable à une demande de congé qu'il aurait dû accorder de plein droit, l’employeur avait commis un manquement au préjudice du salarié, ouvrant donc droit à réparation.
La Cour de cassation censure également, très logiquement, le rejet de la demande de dommages et intérêts du syndicat pour l’atteinte porté à l'intérêt collectif de la profession en raison de la violation du droit à la formation du salarié appelé à exercer des fonctions syndicales, car les juges du fond s’étaient appuyés sur les deux mêmes arguments.
Elle estime que le refus par l’employeur d’un congé de 18 jours à des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales, comme en l’espèce un délégué syndical, porte préjudice à l'intérêt collectif de la profession, ouvrant droit à réparation pour le syndicat.
Pour la Cour de cassation, il importe peu que l’employeur ait agi sans mauvaise foi. Cela n’atténue en rien le préjudice découlant de son refus d’accorder un congé, de droit, au salarié.
En revanche, la Cour de cassation estime que le syndicat ne pouvait pas exiger de dommages et intérêts pour entrave à l'exercice du droit syndical au motif que les dispositions légales sanctionnant une telle entrave (c. trav. art. L. 2146-1) ne visent pas le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale.
Le CSE n’a pas à être consulté si le refus de l’employeur découle d’un désaccord sur le nombre de jours de congé
La Cour de cassation rappelle que l'employeur peut refuser une demande de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale s'il estime, après avis conforme du CSE, que l’absence pourrait entraîner des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise. Le refus du congé par l’employeur est motivé. En cas de différend, le refus de l’employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes (c. trav. art. L. 2145-11).
À noter : Une notification de refus sans consultation préalable du CSE, ou en l’absence d’avis conforme, expose l’employeur à l’amende prévue pour les contraventions de la 3e classe, soit 450 €maximum (c. trav. art. R. 2146-6).
La Cour de cassation confirme l’analyse du conseil de prud'hommes qui, après avoir constaté que l'employeur contestait seulement la durée du congé auquel le salarié pouvait prétendre, a retenu que l'avis conforme du CSE n'avait pas à être sollicité.
En d’autres termes, la Cour de cassation considère que le CSE ne doit être consulté que lorsque l’employeur refuse un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, car il estime que cette absence peut entraîner des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise.
En revanche, le CSE n’a pas à être consulté si le refus de l’employeur d’octroyer un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale résulte d’autres circonstances, telle que par exemple, d'une divergence d’interprétation sur le nombre de jours de congé auquel le salarié peut prétendre.
Cass. soc. 12 juin 2024, n° 22-18302 FSB https://www.courdecassation.fr/decision/66693a51532c0d0008221b33