Modification illégale du contrat de travail
Bulletin de paie : pas touche aux mentions contractuelles !
L'employeur ne peut décider seul de modifier certaines mentions figurant sur le bulletin de salaire, sauf à modifier le contrat de travail en toute illégalité. Exemple avec la durée du travail.
On ne le répètera jamais assez : il faut vérifier son bulletin de salaire le plus régulièrement possible. Certains changements décidés par l'employeur peuvent, a priori, sembler sans importance… alors qu'il peut s'agir en réalité d'une modification illégale du contrat de travail. L'arrêt rendu le 24 mars 2024 par la Cour de cassation (n° 22-22.032) illustre ces pratiques pernicieuses.
Une ligne de plus sur le bulletin de paie…
À la suite de son licenciement, une employée libre-service à temps partiel attaque son employeur aux prud'hommes. Elle lui reproche, entre autres, d'avoir modifié sans son accord la mention relative au temps de travail figurant sur son bulletin de paie. Concrètement, que s'est-il passé ? Depuis l'embauche de la salariée en 2001 et durant treize ans, une seule ligne du bulletin de paie était consacrée au temps de travail effectué. Y était mentionnée la durée prévue par le contrat de travail, soit cent trente heures par mois, ainsi que le salaire correspondant. En septembre 2014, l'employeur décide de faire apparaître deux lignes :
l'une correspondant aux heures de travail proprement dites, soit 123,80 heures ;
l'autre correspondant aux temps de pause rémunérés, soit 6,20 heures.
S'agit-il d'une simple « réécriture » du bulletin de paie ou d'une modification de la durée du travail ? Sans surprise, l'employeur défend la première analyse devant le juge. Selon lui, aucun changement n'est à déplorer puisque la salariée était toujours rémunérée cent trente heures, avec un taux horaire identique pour les heures de travail et les temps de pause. Mais la Cour de cassation n'est pas de cet avis.
… loin d'être anodine !
Les juges rappellent, au préalable, que tout contrat de travail doit être exécuté de bonne foi et ne peut être modifié qu'avec le consentement du salarié (art. L. 1222-1 C. trav., 1103 et 1104 C. civil). Et d'ajouter : « la durée contractuelle de travail, base de calcul de la rémunération, constitue un élément du contrat de travail qui ne pouvait être modifiée sans l’accord de la salariée, peu important la rémunération conventionnelle du temps de pause au même taux horaire que le temps de travail » (Cass. soc. 24 mars 2024, n° 22-22.032).
Dissocier ainsi les heures de travail des temps de pause, certes rémunérés, revenait à faire apparaître une durée de travail inférieure à la durée contractuelle (123,80 heures mensuelles au lieu des 130 heures prévues par le contrat). Une telle modification de la fiche de paie était donc impossible sans un accord explicite de la salariée (sur la nécessité d'un accord clair et non équivoque, voir Cass. soc. 8 juillet 2015, n° 14-12.305).
Intangibilité des éléments contractuels
D'une manière générale, il est interdit de modifier une mention du bulletin de paie touchant à un élément essentiel du contrat de travail sans l'accord du salarié. Sont concernés, a minima, la qualification, le taux horaire du salaire et la durée du travail.
Mais attention. Contrairement à une idée reçue, le salarié qui refuse la modification de son contrat peut être licencié lorsque l'employeur est en mesure de justifier d'une cause réelle et sérieuse extérieure au refus (des difficultés économiques, par exemple).