Examen de reprise du travail

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Publié le 17 Juil. 2024
Article de la Revue Fiduciaire de Droit Social
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Cet article fait suite à un arrêt de la Cour de Cassation du 03 juillet 2024, concernant la visite de reprise du travail obligatoire après un arrêt de travail pour accident ou maladie non professionnel d'au moins 60 jours.

Visite de reprise : l’employeur doit l’organiser sans pouvoir exiger le retour préalable du salarié à son poste de travail

Une visite de reprise est obligatoire après certaines périodes de suspension du contrat de travail et l’initiative de son organisation incombe légalement à l’employeur. Afin de s’assurer de l’effectivité de cette visite, l’employeur peut-il exiger du salarié qu’il revienne au préalable dans l’entreprise et reprenne son travail ? Réponse négative de la Cour de cassation dans un arrêt publié du 3 juillet 2024.

Rappels sur l’organisation de l’examen de reprise après un arrêt de travail non professionnel

À la suite d’un arrêt de travail d’au moins 60 jours pour accident ou maladie non professionnelle, le salarié doit bénéficier d’un examen de reprise du travail (aussi appelé « visite de reprise ») pratiqué par le médecin du travail (c. trav. art. R. 4624-31, al. 1).

Dès que l’employeur a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail, il doit saisir le service de prévention et de santé au travail afin qu’il organise cet examen (c. trav. art. R. 4624-31, al. 2).

L’examen de reprise doit avoir lieu le jour de la reprise effective du travail, et au plus tard dans un délai de 8 jours à compter de cette reprise (c. trav. art. R. 4624-31, al. 2).

À noter : cette rédaction de l’article R. 4624-31 du code du travail est celle actuellement en vigueur, telle que modifiée par le décret 2022-372 du 16 mars 2022, JO du 17 (entré en vigueur le 31.03.2022). L’affaire tranchée par la Cour de cassation a été rendue sous l’empire de la version antérieure de l’article R. 4624-31, qui prévoyait l’organisation d’un examen de reprise après un arrêt de travail d’au moins 30 jours pour accident ou maladie non professionnelle. Cela ne modifie pas, selon nous, le sens de la position retenue par la Cour de cassation dans son arrêt.

Pour mémoire, cet examen relève de l’obligation légale de sécurité de l’employeur (c. trav. art. L. 4121-1 ; cass. soc. 16 juin 2009, n° 08-41519, BC V n° 147).

L’absence d’organisation de l'examen de reprise par l’employeur peut justifier la rupture du contrat de travail à ses torts via une prise d’acte ou une action en résiliation judiciaire du salarié, dès lors que ce manquement empêche la poursuite du contrat de travail (cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-35040, BC V n° 87 ; cass. soc. 6 janvier 2021, n° 19-19277 D).

Un employeur qui exige le retour préalable du salarié à son poste de travail afin d’organiser la visite de reprise

Un salarié, conseiller de clientèle, ayant eu plusieurs arrêts de travail pour maladie non professionnelle, a adressé le 19 décembre 2017, quelques jours avant la fin de son dernier arrêt de travail s’achevant le 27 décembre 2017, un courrier à son employeur pour qu’il organise un examen de reprise.

L’employeur n’avait pas donné suite à cette demande estimant que l’obligation d’organiser l’examen de reprise était conditionnée par le retour du salarié dans son emploi.

Faute d’organisation de cet examen, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur pour manquement à l’obligation de sécurité. Au soutien de sa demande, le salarié invoquait avoir indiqué à son employeur dans sa lettre du 19 décembre 2017 la date de fin de son arrêt de travail (27 décembre 2017), la demande d’organisation d’un examen de reprise, demande d’ailleurs renouvelée en février 2018.

Les juges ont rejeté la demande de résiliation judiciaire du salarié estimant que l’employeur n’avait pas l’obligation d’organiser un examen de reprise tant que le salarié n’avait pas repris le travail. Ils ont retenu que dans son courrier, le salarié se bornait à solliciter l'organisation de la visite de reprise sans manifester la volonté de reprendre préalablement son emploi et qu’il ne s’était pas présenté à l’agence à l’issue de son arrêt de travail.

Pour la cour d’appel, l’employeur était dans son droit de demander au salarié de revenir dans l’entreprise et de reprendre son emploi afin de passer la visite de reprise.

Le salarié a donc saisi la Cour de cassation.

Pour la Cour de cassation, l’employeur ne peut pas imposer comme condition à la visite de reprise le retour préalable du salarié dans son emploi

La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel.

Elle rappelle l’obligation pour l’employeur d’organiser un examen de reprise dès lors qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail (c. trav. art. R. 4624-31) (voir ci-avant).

Elle pose également pour principe que l'initiative de la saisine du médecin du travail appartient normalement à l'employeur, dès que le salarié qui remplit les conditions pour bénéficier de cet examen, en fait la demande et se tient à sa disposition pour qu'il y soit procédé (voir déjà en ce sens cass. soc. 6 janvier 2021, n° 19-19277 D).

Or, dans sa lettre, le salarié avait informé l'employeur de la fin de son arrêt de travail, demandé l'organisation de la visite de reprise et réitéré cette demande.

Compte tenu de ces éléments, l’employeur était dans l’obligation d’organiser l’examen de reprise du salarié, sans pouvoir exiger le retour préalable de ce dernier dans l’entreprise. Rappelons par ailleurs que c’est la visite de reprise qui met fin à la période de suspension du contrat de travail. Tant que l’examen n’a pas eu lieu, le contrat de travail reste suspendu (circ. DGT 2012-13 du 9 novembre 2012, 1re partie, § 3.2.3 ; cass. soc. 22 octobre 1996, n° 94-42971, BC V n° 338). Sur le fondement de ce principe, la Cour de cassation avait déjà estimé par le passé que l’employeur ne pouvait imposer comme condition à la visite de reprise le retour préalable du salarié dans l’entreprise, dès lors que celui-ci, demeurant en période de suspension de son contrat de travail, n’y est pas astreint (cass. soc. 24 avril 2013, n° 12-15595 D).

Cass. soc. 3 juillet 2024, n° 23-13784 FB

 

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