Heures supplémentaires : la charge de la preuve est partagée

Temps de lecture : 4 min.
·
Publié le 23 jan. 2025
Article de la Revue Fiduciaire de Droit Social, suite à un arrêt de la cour de cassation (Cass. soc. 15 janvier 2025, n° 23-19046 FD), consacré aux preuves de la réalisation d'heures supplémentaires.
Image

Heures supplémentaires : la charge de la preuve est partagée et ne doit pas peser sur le seul salarié

Un salarié qui réclame le paiement d’heures supplémentaires a juste à présenter « des éléments suffisamment précis » pour que l’employeur soit à même de répondre. Le juge qui exige plus du salarié fait, à tort, peser sur lui seul la charge de la preuve. Nouvelle illustration.

Mécanisme de la preuve des heures supplémentaires – en bref

Lorsqu’un litige sur l’existence ou le nombre d’heures de travail accomplies oppose le salarié et l’employeur, la charge de la preuve de la réalisation - ou non réalisation - de ces heures est partagée entre eux (c. trav. art. L. 3171-4 ; cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919 FPPBRI).

Le salarié doit présenter « des éléments suffisamment précis » à l’appui de sa demande (cass. soc. 31 mai 2006, n° 04-47376, BC V n° 200).

En retour, l’employeur doit y répondre en produisant ses propres éléments. Il peut, pour cela, s’appuyer notamment sur les éléments de décompte qui sont en sa possession afin de lui permettre d’assurer le contrôle des heures de travail effectuées (cass. soc. 18 mars 2020, n° 18-10919 FPPBR).

Au final, c’est le juge qui tranche en se basant sur tous ces éléments, sachant qu’il peut ordonner des mesures d’instruction s’il les estime utiles. Mais il ne peut pas se prononcer en fonction des seuls éléments apportés par le salarié, sans que l'employeur ait eu à communiquer ses propres éléments (c. trav. art. L. 3171-4).

Un échange d’éléments non concluant pour les juges d’appel

Le salarié étaye sa demande d’heures supplémentaires. - Après avoir été licencié, un salarié embauché en contrat à durée indéterminée à temps partiel dans un restaurant réclame notamment en justice le paiement d’heures supplémentaires (son contrat a été requalifié en temps complet).

Pour ce faire, il fait valoir :

-qu'il travaillait 6 jours sur 7, de 10 h à 15 h puis de 17 h à 23 h 30, voire jusqu'à minuit les samedis ;

-qu'il était présent sur l'ensemble des horaires d'ouverture du restaurant.

Pour étayer sa demande, il présente au juge :

-des attestations de clients ;

-la page Google du restaurant indiquant ses horaires d'ouverture.

La réponse de l’employeur. - En retour, l'employeur avait produit les témoignages de deux salariés du restaurant qui indiquaient avoir travaillé avec le salarié selon les horaires suivants : 10 à 12 h et 19 à 21 h.

Le salarié soutenait que ces témoignages provenaient de membres de la famille de l'employeur, mais la cour d’appel avait estimé qu’il n’en apportait pas la preuve.

Surtout, pour la cour d’appel, le salarié n’apportait pas les éléments suffisamment précis, exigés de lui dans un litige sur le temps de travail (voir ci-avant), permettant à l'employeur d'y répondre utilement. En effet, selon les juges du fond :

-les attestations de clients présentaient l’inconvénient de ne pas mentionner d'horaire de travail ou de temps de présence du salarié, à l'exception d'une attestation indiquant qu'il travaillait tous les jours midi et soir, y compris les vacances :

-la page Google du restaurant indiquant ses horaires d'ouverture établissait l’amplitude d’ouverture du lieu, mais pas le temps de travail du salarié.

Des éléments suffisants auxquels l’employeur aurait dû répondre

Après avoir rappelé les règles en matière de preuve de document de suivi du décompte du temps de travail par l’employeur et de preuve des heures travaillées (c. trav. art. L. 3171-2 et L. 3171-4), la Cour de cassation souligne que dans un contentieux sur la durée du travail, le juge doit :

-analyser les pièces produites par le salarié et l’employeur ;

-et s’il retient l'existence d'heures supplémentaires, évaluer leur importante (sans avoir à donner le détail de son calcul) et fixer les créances salariales qui s'y rapportent.

Dans cette affaire, pour la Cour de cassation, le salarié avait présenté des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.

En effet, de jurisprudence constante, il ne s’agit pas pour le salarié de prouver l’existence et le nombre exact d’heures qu’il prétend avoir travaillé mais de donner suffisamment de matière et de précision pour que l’employeur soit à même de répondre.

En exigeant plus de lui, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié. L’affaire sera donc rejugée sur ce point par une autre cour d’appel.

Cass. soc. 15 janvier 2025, n° 23-19046 FD

Vous trouverez également en téléchargement un article sur la majoration des heures supplémentaires.

Pour aller plus loin

Sur le même thème

🏳️‍🌈 Kit de communication - Mois des Fiertés 2025

Lire la suite

☀️ Le droit du travail n'a pas de saison ! On discute du travail saisonnier [Le Local #20]

Lire la suite

🚨 Ne les laissons pas nous voler le 1er mai

Lire la suite